LE DISPOSITIF SCÉNIQUE
C’est l’histoire de deux enfants qui se racontent une histoire. Korb et Guenille racontent leur histoire à deux pour conjurer l’ennui et pour que tout existe sauf l’oubli. C’est une histoire absolument vraie qu’ils inventent de A à Z, sans jamais trouver la fin de l’alphabet.
La vraie histoire que doit donc raconter le spectacle est celle-ci: l’histoire de deux enfants qui jouent à “On dirait que…”
Voilà ce qui a guidé l’invention du dispositif scénique, fait de deux plans superposés.
LE PLATEAU
ROYAUME DU PRESQUE RIEN
Au premier plan, l’espace de jeu des enfants, tout simplement. Ce pourrait être un vieux grenier, une cour de ferme ou pourquoi pas un théâtre abandonné. Qu’importe, ce qui compte c’est d’avoir de l’espace pour inventer.
Tous les enfants construisent des mondes à eux grâce à des couleurs, des morceaux de bois, des bouts de chiffons. Châteaux de sable, galaxies de cailloux, couronnes de pâquerettes, bateaux de papier… Les enfants sont des bâtisseurs de royaumes de presque rien. Au théâtre, c’est un peu pareil : avec peu, on peut beaucoup. Il suffit d’un grand voile pour faire de la scène un océan, d’une plaque de métal pour que tonne le tonnerre ou de papier déchiqueté pour faire neiger — le bric et le broc sont des trésors. Il suffit simplement d’y croire et surtout d’y faire croire. Pour être à la hauteur de ces enfants qui inventent, nous essaierons donc d’être aussi forts qu’eux et de tout faire avec presque rien.
Au début du spectacle, Korb et Guenille sont dans leur cabane. Cachés sous un drap, à la lueur d’une loupiote, ils commencent à raconter leur histoire. Et les voilà qui glissent, et nous avec, dans ce récit qui déborde et prend tout l’espace du plateau. Sur la scène, la cabane a disparu et le drap est devenu un grand manteau de neige…
Donc, partons de cela: de ce drap qui se métamorphose.
Sur la scène, aucun décor n’est posé. Pas de meubles, pas de murs, pas de limites. Pour tout inventer, il n’y a que ce drap oublié là. Un immense morceau de tissu, très fluide et léger qui, manipulé avec ingéniosité et éclairé avec art, dessinera l’espace de chaque tableau. Torsadé, il deviendra rivière; en le faisant voler comme un cerf-volant, il sera le vent; puis une grande page blanche froissée; puis une robe de mariée; puis le rideau en lambeaux d’un petit théâtre ambulant…
LA TOILE DE FOND
PAYSAGES EN MOUVEMENT
Au second plan, les paysages. L’aube du temps , l’île du Jadis, le monde d’Après… Le récit est un voyage qui avance de paysage en paysage. Pour les donner à voir sur scène, la première idée venue à la rescousse était aussi ancienne que sublime… Quoi de mieux que ces immenses paysages peints sur les toiles de fond du théâtre à l’italienne pour changer de paysage comme on tourne une page?
Sauf que les paysages de Sous un manteau de neige ne sont pas faits d’espace mais de temps - pas de coordonnées géographiques qui permettent de les localiser sur une carte. Ce sont des paysages en mouvement…
Tout en gardant en tête les toiles de fond du théâtre à l’italienne, j’ai cherché un moyen de les rendre mouvantes, je voulais que le dessin soit vivant. Et puisque je ne sais pas vraiment à quoi ressemble le Beau Jourd’hui, je ne peux pas l’illustrer — je ne peux que le chercher, c’est à dire rendre visible, sur scène, l’invention du dessin.
La vidéo s’est donc imposée comme le moyen idéal d’arriver à mes fins. J’allais filmer la fabrication de mes dessins et les projeter sur scène, en grand format. En remplaçant la toile peinte représentant un paysage immobile par une toile de projection vidéo, le spectateur pourrait alors voir se déployer l’aube du temps, pousser la forêt du Jadis ou déferler la vague du temps…
Ainsi donc s’est construit le second plan du dispositif scénique. En fond de scène, sur un grand écran panoramique (6,50 m de large x 3,50 m de haut) apparaîtront les paysages vidéo. Au premier plan, aucun élément de décor n’entravera le regard. Ainsi, la vidéo englobera tout l’espace et sera à la fois le cadre du récit dans lequel s’animent les personnages et le périmètre de jeu dans lequel se meuvent les interprètes.
LA TERRE N’EST QUE SILENCE
ET POUDRE DE NEIGE
APRÈS LE MIDI DE LA NUIT
SOUS LA LUNE PLEINE