Ici, la grande toile de fond du théâtre à l’italienne n’est pas peinte mais remplacée par une grande toile de projection vidéo (6,50 m de large x 3,50 m de haut) où s’animent d’immenses paysages dessinés à l’encre colorée.

Néanmoins, l’artisanat de disparaît pas derrière la technologie: le dessin ne se fait pas tout seul et l’écran fait office de page blanche. À chaque tableau, on repart de zéro et grâce à la vidéo, on peut suivre l’ombre d’une main en train de dessiner. Car pour explorer ces contrées que sont le Jadis ou le monde d’Après et voyager dans le temps, je ne vois pas de meilleur moyen que de marcher avec les mains. Car c’est à la main que l’on écrit le récit de sa vie, grâce à la main qui trace un chemin; c’est à la main que l’on invente la suite, en laissant sa main danser sur le papier.

C’est donc ça que je voulais porter sur scène, non seulement mes rêveries mais également la beauté de l’encre. L’encre ne cesse de me fasciner, de me surprendre et de m’émerveiller — le dessin est sans cesse en mouvement. Dans mon atelier, je bidouille, je patouille, je gribouille, je fais des tas d’expériences avec toutes sortes d’outils, avec de l’eau ou du curcuma, j’observe comment se comporte cette encre-ci sur ce papier-là et c’est absolument magique. Mais pour passer de l’atelier à la scène, j’avais besoin de la vidéo.

Ayant travaillé pendant plusieurs années avec Cyril Teste et le collectif MxM, sur les spectacles Tête Haute et Nobody, j’ai beaucoup appris sur l’art de la vidéo au théâtre et je sais très bien que  la maîtrise technique est essentielle, que la précision est l’affaire de tous, régisseurs comme interprètes, et que la vidéo ne souffre aucune approximation, surtout dans le cadre du spectacle vivant.

J’ai donc suivi une formation de programmation et diffusion vidéo pour le spectacle vivant. Il me semblait essentiel de connaître tous les maillons de la chaîne du dispositif vidéo, de la prise de vue dans mon atelier jusqu’à la diffusion de ces images sur le plateau (le choix du matériel, l’installation de l’espace de projection, les ratios d’image, la maîtrise d’un logiciel de création et de diffusion vidéo…) afin de concevoir un dispositif vidéo impeccable, en réfléchissant concrètement aux solutions et difficultés techniques ainsi qu’aux contraintes logistiques inhérentes aux tournées jeune public, tout en donnant à la vidéo toute sa force grâce à la qualité de l’image et donc à ces paysages en mouvement toute leur ampleur.