À PROPOS DE LA MISE EN SCÈNE

NOTE D’INTENTION(S) DE VALENTINE ALAQUI

Si j’ai décidé aujourd’hui de mettre en scène Sous un manteau de neige, c’est parce que je ne peux pas vraiment faire autrement, parce que c’est le bon moment, c’est-à-dire maintenant.

Tout ça c’est quand même un peu beaucoup la faute à Jouanneau… C’est-à-dire grâce à lui. J’ai rencontré Joël Jouanneau en 2010, à l’école du TNS, alors qu’il mettait en scène notre dernier spectacle de groupe 38. Il m’a engagée dès l’école finie et j’ai alors rencontré Delphine Lamand et Camille Garcia, des camarades de jeu exceptionnelles. Les années de tournée passées ensemble à jouer Jojo le récidiviste et PinkpunK CirKus furent un cadeau. L’envie de réunir de nouveau cette équipe y est pour beaucoup dans cette aventure, c’est-à-dire la mise en scène de Sous un manteau de neige ainsi que la création de La PinKpunK Cie, dont Monsieur Jouanneau sera le président.

C’est aussi parce que cette histoire, celle de Korb l’enfant loup, c’est une vieille histoire entre Joël et moi. Aujourd’hui, elle existe grâce aux mots de  Sous un manteau de neige et ce texte magnifique, je ne peux pas le laisser dans un livre — c’est sur un plateau, à haute voix et de tout son corps, que Korb doit apprendre à devenir poète.

Et puis il y a les dessins. Moi, je vis de théâtre et de dessin. J’aime le théâtre, les mots écrits et les mots dits, les plateaux nus où tout est possible et les cerveaux en ébullition d’une équipe en pleine invention, l’hyperacuité collective au moment des représentations et les salles obscures où les spectateurs respirent à l’unisson. J’aime le dessin, l’encre qui n’en fait qu’à sa tête, ma main qui pense plutôt que mon cerveau et ma volonté au repos, l’absence des mots, le silence et la solitude aussi. J’aime les histoires et je crois profondément que cela ne sert pas du tout à rien de les partager. C’est bien pour cela que je suis comédienne. Et quand, dans des vies d’avant, j’ai été danseuse puis circassienne, c’était déjà mon dada — même s’il s’agissait d’histoires qui parfois n’en étaient pas, des histoires sans mots en tout cas.

Si je mets en scène aujourd’hui, c’est parce que le dessin est là et que je sais comment je veux raconter désormais. Alors il faut bien que je le fasse puisque personne ne pourra le faire à ma place. Je sais que pour continuer de raconter au théâtre, j’ai besoin de mise en scène.

Et puis, évidemment, il y a les enfants. Jouer pour eux et les rencontrer, comme je le fais depuis une dizaine d’années, c’est absolument passionnant et cela me semble plus qu’important. À la fin de Sous un manteau de neige, Korb et Guenille, perdus dans le labyrinthe du temps, rencontrent des enfants déboussolés, comme eux à la recherche du Beau Jourd’hui. À défaut de les instruire, ils deviennent clowns pour dire le vrai sans pleurer, avant de tirer leur révérence en pirouette car les poèmes du Beau Jourd’hui, seuls les enfants pourront les inventer. Quant à moi, depuis deux ans, grâce à un projet pédagogique proposé par Geneviève Dichamp, directrice du Théâtre Montansier (Versailles), je vais dans les écoles primaires des villes de Trappes et de Plaisir, à la rencontre de centaines d’enfants, pour parler du monde tel qu’il va, tel qu’ils le voient et tel qu’ils pourraient le rêver. Je ne fais pas la clown mais je crois que je les fais quand même rire un peu, même si nous discutons très sérieusement, ce qui est une excellente manière de réfléchir à plusieurs au monde de demain.

Créer ce spectacle participe donc à ce même mouvement, ce même élan. Dans les salles de classe où l’on discute et dans les théâtres où l’on rêve, c’est ce même travail qui se poursuit…

Me voilà donc aujourd’hui à ce moment-là: je mets en scène Sous un manteau de neige parce que c’est comme ça, parce que ne pas m’élancer ne serait que paresse ou lâcheté. Je suis peut-être parfois timide mais là, je ne doute pas et j’y vois bien plus clair que souvent. Le théâtre, le dessin, les enfants… je sais ce que j’ai à faire.